En France, la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail a atteint des niveaux préoccupants. Une étude récente montre une augmentation de 107% entre 2017 et 2025, touchant particulièrement les travailleurs précaires. Pourquoi cette hausse spectaculaire ? Qui est concerné ? Et comment y répondre ? Cet article détaille les chiffres, analyse les causes et explore des pistes pour agir, tout en restant accessible et ancré dans les réalités du terrain.
Sommaire
- Les chiffres clés de l’étude
- Qui consomme et dans quels contextes ?
- Les causes profondes de cette hausse
- Quels impacts sur les travailleurs et les entreprises ?
- Vers quelles solutions s’orienter ?
- Conclusion : un défi collectif
Les chiffres clés de l’étude
L’étude « Révéler ce qui ne se voit pas », menée par iThylo (marque d’Aperli), s’appuie sur 110 884 dépistages inopinés réalisés en entreprises entre 2017 et 2025. Elle révèle une hausse de 107% de la consommation d’alcool et de drogues au travail. En 2017, 2,6% des tests étaient positifs ; en 2025, ce taux atteint 5,3%. Cette progression concerne toutes les substances, avec des disparités marquées.
La cocaïne affiche une croissance alarmante : les cas positifs ont été multipliés par 13 en huit ans. Jadis associée à des milieux festifs ou urbains, elle s’installe désormais dans des secteurs variés, comme le BTP, la logistique ou l’industrie. Le cannabis reste la substance la plus détectée, avec 1,8% des tests positifs, souvent consommé en fin de journée ou en soirée. L’alcool, quant à lui, connaît des pics après 17h, particulièrement les vendredis, où les taux peuvent doubler par rapport à la moyenne hebdomadaire. (France Bleu, Le Figaro)
Autre enseignement : la période post-Covid (2022-2024) marque une accélération, avec une hausse de 43% pour l’alcool et de 52% pour les stupéfiants par rapport à 2017-2021, où les chiffres étaient stables. Ces données soulignent un changement structurel dans les comportements.
Qui consomme et dans quels contextes ?
Les travailleurs précaires, notamment les intérimaires, sont en première ligne. Bien qu’ils représentent seulement 15% des personnes testées, ils concentrent 25% des cas positifs au cannabis, 31% à la cocaïne et 18% à l’alcool. Ces travailleurs évoluent souvent dans des conditions difficiles : horaires atypiques, logements collectifs temporaires, faible intégration dans les équipes et sentiment d’isolement.
Un exemple frappant, rapporté par Jean-Jacques Cado, président d’iThylo, illustre ce phénomène. Sur un chantier de nuit de 21 personnes, sept intérimaires, logés ensemble, ont été testés positifs à la cocaïne. Cet « effet de groupe » semble amplifier la consommation, favorisé par la proximité et les pressions sociales. (La Provence)
Mais les intérimaires ne sont pas les seuls concernés. Des cadres, des employés de bureau et des salariés en CDI sont également touchés, notamment dans des secteurs à haute pression comme la finance ou la communication. La consommation d’alcool, souvent liée à des événements professionnels (pots de départ, afterworks), reste un défi transversal.
Les causes profondes de cette hausse
Plusieurs facteurs convergent pour expliquer cette explosion. La crise sanitaire du Covid-19 a joué un rôle déterminant. Le stress lié aux confinements, la désorganisation des routines professionnelles et la montée de l’incertitude économique ont poussé certains à consommer pour « décompresser ». L’étude note une rupture nette à partir de 2022, coïncidant avec le retour progressif à la normale.
La banalisation de la cocaïne est un autre moteur. Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), 1,1 million de Français ont consommé de la cocaïne en 2023, contre 600 000 en 2017. Sa disponibilité accrue, son prix en baisse relative et son image moins stigmatisée qu’auparavant en font une drogue de plus en plus courante, y compris dans des milieux professionnels modestes. (La Revue du Praticien)
La précarité joue également un rôle clé. Les intérimaires, souvent en contrats courts, subissent une instabilité financière et sociale qui peut les rendre vulnérables aux addictions. À cela s’ajoute une culture de la performance, amplifiée par les réseaux sociaux et les injonctions à la productivité. Certains consomment des stimulants comme la cocaïne pour « tenir le rythme » ou de l’alcool pour « évacuer le stress ».
Enfin, le cadre juridique et social en entreprise peut paradoxalement aggraver le problème. Les dépistages, bien qu’encadrés, sont parfois perçus comme intrusifs, ce qui peut dissuader les travailleurs de chercher de l’aide par peur d’être sanctionnés.
Quels impacts sur les travailleurs et les entreprises ?
La consommation d’alcool et de drogues au travail a des conséquences multiples. Pour les travailleurs, elle augmente les risques d’accidents, particulièrement dans des secteurs comme le BTP ou la logistique, où la vigilance est cruciale. En 2023, l’Assurance maladie recensait 6 500 accidents du travail liés à des substances psychoactives, un chiffre en hausse de 15% par rapport à 2019. (Ameli.fr)
Sur le plan personnel, les addictions peuvent entraîner des problèmes de santé (troubles cardiovasculaires, dépendance), des conflits familiaux et une marginalisation sociale. Pour les entreprises, les impacts incluent une baisse de la productivité, des absences répétées et des tensions au sein des équipes. Les coûts indirects, comme la gestion des accidents ou des litiges, sont également significatifs.
Pourtant, le sujet reste tabou. Beaucoup d’employeurs hésitent à aborder ouvertement les addictions, craignant de stigmatiser leurs salariés ou de nuire à leur image. Cette réticence freine la mise en place de politiques de prévention efficaces.
Vers quelles solutions s’orienter ?
Face à cette situation, plusieurs pistes émergent. D’abord, renforcer la prévention en entreprise est crucial. iThylo recommande des programmes inclusifs, adaptés aux réalités des travailleurs précaires. Cela inclut des formations pour les managers, des ateliers de sensibilisation et des dispositifs d’écoute anonymes. (France Bleu)
Ensuite, accompagner les intérimaires est une priorité. Des structures comme les agences d’intérim pourraient jouer un rôle en proposant des formations sur les risques des addictions et en facilitant l’accès à des psychologues ou des addictologues. Des initiatives pilotes, comme des groupes de parole sur les chantiers, ont montré des résultats encourageants.
Sur le plan sociétal, réguler la publicité pour l’alcool, notamment sur les réseaux sociaux, est une mesure défendue par des associations comme Addictions France. Le succès du « Dry January », qui encourage un mois sans alcool, pourrait inspirer des campagnes similaires en milieu professionnel. Par ailleurs, des approches de réduction des risques, comme les salles de consommation à moindre risque expérimentées à Marseille, permettent de limiter les dangers pour les usagers tout en réduisant les nuisances publiques. (La Provence)
Enfin, une évolution du cadre juridique pourrait aider. Par exemple, clarifier les règles sur les dépistages pour garantir qu’ils soient perçus comme un outil de prévention plutôt que de répression. Des pays comme la Suède ont mis en place des politiques combinant dépistages aléatoires et accompagnement médical, avec des résultats positifs sur la réduction des addictions.
Conclusion : un défi collectif
L’augmentation de 107% de la consommation d’alcool et de drogues au travail en huit ans est plus qu’un chiffre : elle révèle des fragilités humaines et sociales, amplifiées par la précarité, le stress et la banalisation de certaines substances. Si les intérimaires sont particulièrement touchés, le problème concerne tous les secteurs et toutes les catégories de travailleurs. La réponse doit être collective, associant entreprises, pouvoirs publics et société civile. Prévention, accompagnement et dialogue sont les clés pour inverser la tendance. Et vous, quelles solutions proposeriez-vous ? Partagez vos idées en commentaire !